Mission Mermaid - Déferlement
Autrice auto-éditée : Angélique CADET
ISBN : 978-29-59 172-80-9
Mis en ligne par | Lectivia |
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Dernière mise à jour | 06/09/2024 |
Temps estimé de lecture | 2 heures 38 minutes |
Lecteur(s) | 6 |
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Chapitre 56
Une alerte retentit soudain.
— Qu’est-ce qui se passe ? demandais-je à Elma.
— Himaya est en danger ! Eragot a déclenché d’alarme ! L’Oracle nous prévient d’une attaque imminente, panique Elma. Je vois les ondines évacuer les enfants, Ilana escorter les créatures fragiles hors du royaume. Une petite armée de sirènes et d’ondines se forme rapidement autour du palais. J’aperçois
au loin une créature géante dotée de nombreux tentacules.
— Le kraken ! s’exclame Elma.
Il y a une différence entre voir les guerres à la télé et s’y trouver confrontée en réalité. Tout se déroule au ralenti, pas de musique dramatique, pas de gros plan, juste un foutu bordel. On sent son cœur battre au point d’exploser. Pendant un instant, on est absent, déconnecté de la scène.
On a même le temps de se dire : « Mais qu’est-ce que je fous là ? »
***
Le gardien vient vers nous pour m’éclairer avec sa lampe torche et nous interrompt :
— Hey, petite ! Il est tard, tu devrais rentrer chez toi.
— OK…, acquiescais-je.
Ne t’inquiète pas, je reviendrai bientôt. Promis ! Je te cueillerai des fleurs du jardin de mamie.
— Alia ! crie quelqu’un près du portail.
Le gardien l’éblouit avec sa lumière. Mais… Qu’est-ce qu’elle vient faire ici ?!
- Fin du chapitre et de l'histoire -
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Au-dessus de nous, à des milliers d’années-lumière, les étoiles s’éteignent une à une, seconde après seconde. Elles sont en train de mourir. Nous sommes bouche bée en assistant au phénomène.
— Ça y est, c’est la fin du monde ? chuchote Mickaël.
— Elles réapparaissent, regarde.
Une étrange douleur me traverse brusquement, un mal de tête violent, ma vision se trouble. Je distingue des bourdonnements dans mes oreilles. Qu’est-ce qui m’arrive ?
— Alia…
Qui m’appelle ?
Je prends conscience que cette voix ne se trouve que dans ma tête, car Mickaël n’a aucune réaction.
— SORS !
Le cri de cette femme m’affole complètement.
— Mer* !
L’eau de la piscine se met à tournoyer, elle se déchaîne, on dirait un tremblement de terre. Un tourbillon se forme en quelques secondes.
— Aliaaaa !
Je pose vite une main sur un rebord. Je comprends, au cri affolé de Mickaël, qu’il n’est pas derrière moi. Il est emporté par le courant violent.
De nouveau ce hurlement de détresse, le même qu’Iris ! Je suis tétanisée. J’ai peur de ne pas agir assez rapidement. Je me fais violence.
Réfléchis, Alia ! Réfléchis, il va mourir !
Il est attiré vers le fond de la piscine. Ne sachant pas nager, il va couler. Qui sait ce qui se cache au cœur de cette spirale ? Je sors, cours jusqu’au local d’en face et saisis l’épuisette devant la porte. Je reviens jusqu’au bord et la tends à Mickaël, en espérant qu’il ne soit pas trop tard.
— Mickaël !!!!! Attrape !
La perche en fer est lourde, une fois tendue dans l’eau. Je la retiens de toutes mes forces pour ne pas me laisser emporter par le courant.
— Avance, Mickaël ! Un bras après l’autre !
La barre m’échappe, elle bascule au-dessus de la tête de Mickaël et se fracasse de l’autre côté de la piscine. Mauvaise idée, j’avoue. Mettons cela sur le coup du stress.
Je plonge alors à son secours et la tempête se calme soudainement. Je traîne Mickaël hors de l’eau.
Je prie : « Non, pitié, pas lui, pas Mickaël ».
Je bascule son poids doucement sur le côté. Il ne bouge plus. Je le secoue un peu et tape dans son dos. Une peur bleue s’empare de moi, je commence à pleurer et perds mon calme. Je passe une main dans ses cheveux et vois ses sourcils se froncer. Mickaël recrache un peu d’eau et finit par ouvrir les yeux.
— Hey ! Il fallait bien que tu te réveilles, c’est toi qui conduis !
— L’univers ne nous appartient pas, lâche-t-il, à bout de souffle.
— La folie est contagieuse, affirmais-je.
Parfois, après un trop grand stress, je rigole et débite des inepties. Je suis soulagée qu’il s’en sorte indemne. Mickaël se retourne vers moi, l’air perdu. Nous nous posons la même question : « Que s’est-il passé ? »
Nous contemplons de nouveau ce ciel énigmatique, désormais effrayés par le monde qui nous entoure.
- Fin du chapitre -
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Trois jours plus tard
— J’ai dit à mes parents que je révisais chez Chloé, ce soir, et je lui ai filé vingt-cinq euros pour me couvrir. Alors, si on se fait prendre, j’espère que tu en assumeras les conséquences ! marmonnais-je.
— On est mardi et le gardien n’est pas là. Je me suis bien renseigné. Sa femme a perdu les eaux ce matin même. En plus, les caméras ne fonctionnent pas, me répond Mickaël.
Il est dix-neuf heures. Nous entrons par effraction dans la piscine municipale de la Ravine des Cabris. Avant de partir au front, il faut impérativement que je forme mon unique soldat. En clair, Mickaël doit apprendre à nager. On a jugé que ce serait plus « sécurisant » de l’initier ici plutôt qu’à la plage, de peur de se faire tuer par une sirène. Sans oublier que notre cher Mickaël a une réputation à tenir, d’où notre infiltration style Prison Break. (13)
Nous sautons le grand portail, passons l’accueil et traversons l’immense couloir menant aux douches. Dans l’obscurité et le silence, nous continuons d’avancer.
— Mickaël. T’es où ? chuchotais-je.
—…
— Mickaël ?
Je sens un souffle chaud sur ma nuque. Je m’immobilise. Des frissons parcourent mes épaules en l’espace de quelques secondes.
— Bouh !
— Tu te crois drôle ??
Je fais un bond en arrière, lui écrase le pied, prête à l’engueuler, mais le stress redescend aussitôt. Il émet un petit cri ridicule et je laisse échapper un ricanement à mon tour.
On se pose devant le petit bassin, assis côte à côte sur le rebord de la piscine, les pieds dans l’eau froide. Mickaël retire son sweat et son tee-shirt. Il est torse nu avec un short de bain bleu. Moi, je porte mon maillot de bain noir, mais sous un tee- shirt et un leggin. Je rentre dans l’eau, Mickaël me suit. Il ne me fait aucune remarque sur mon habillement. Depuis le temps, il doit le savoir que je ne veux pas m’exhiber.
Mon ami se place devant moi. Je me concentre pour ne pas admirer ses muscles. Je fuis son regard.
— Prêt ? lui demandais-je.
— Pas vraiment, mais je te fais confiance.
— On commence en douceur. Ferme les yeux.
Pire qu’un gosse, il fait semblant de les abaisser pour me taquiner. Je lui passe la main devant le visage pour l’y obliger.
— Prends une grande inspiration.
Il lâche un gros soupir. La soirée risque d’être longue.
— Mickaël, s’il te plaît…
Je pose mon autre main sur son torse pour sentir sa respiration. J’entends son cœur palpiter. Je ressens l’envie irrésistible de me rapprocher de lui. Je ne veux plus décoller ma main de sa peau.
— Bloque. Aie confiance. Plonge la tête sous l’eau pendant quelques secondes.
Je descends avec lui sans rompre le contact physique. Une fois sous l’eau, je sens sa main serrer la mienne. Il remonte à la surface brusquement et tousse assez fort. Il a dû boire la tasse. Il fait une drôle de tête. Je cache mon air amusé. J’enlève mon élastique de mes cheveux et le laisse couler jusqu’au fond du petit bassin.
— Maintenant, tu dois le récupérer.
— Je te préfère mille fois sans ce truc !
Il me contemple différemment, me sourit gentiment sans arrière-pensée, cette fois. Il se réjouit vraiment, c’est attendrissant.
— Mickaël !
— Bon, d’accord, accepte-t-il.
— Concentre-toi, reprends ton souffle. Voici mon bien le plus précieux. Imagine que ce soit le dernier élastique qui existe au monde et qu’il me le faut absolument. Rapporte-le-moi et tu pourras me donner un gage.
— Vraiment ? Je ne te connaissais pas aussi téméraire…
— Et moi, je te pensais plus courageux, soufflais-je.
Mon rythme cardiaque s’accélère. Je l’observe tenter deux plongées pour remonter mon élastique.
— Viens par ici, Alia ! Je veux savourer ta défaite de plus près.
Je me rapproche dangereusement, tandis que ses yeux happent les miens. Le bout de son nez m’effleure. Il entrouvre les lèvres. Je respire la chaleur de son souffle. Cette fois, il a conscience de la proximité qui nous lie. Qu’est-ce qu’il est beau ! Il recule, mais de quelques millimètres seulement, pour reprendre la parole :
— Tu te rappelles l’anniversaire d’Iris pour ses treize ans ? Mes parents avaient fait une grande fête et organisé une partie de cache-cache. On était tous les deux sous la table et personne ne nous trouvait. On a joué à cap ou pas cap. Le perdant sortait de la cachette pour laisser l’autre gagner la partie.
Il s’en souvient…
Respire, Alia. Garde ton calme. Ne lui montre pas que, dans ta tête, c’est le feu d’artifice !
— Je m’en souviens…
— Eh bien, ce soir, je te laisse une chance de gagner, Alia Grondin ! CAP OU PAS CAP ? Embrasse-moi maintenant !
— CAP…
Il pose une main possessive derrière ma nuque. Je lui souris timidement, bloque un instant ma respiration, comme l’enfant qui s’apprête à plonger la tête sous l’eau pour la première fois. Son regard se perd dans le mien. Il pose ses lèvres délicatement sur les miennes. Ce baiser est chaud et sucré, soit la gourmandise la plus exquise au monde. Je passe mes bras autour de son cou, nos corps s’enlacent l’un contre l’autre. Chaque seconde que dure ce contact me fait tourner la tête encore un peu plus. Je joue avec ses lèvres. Je sens une légère pression, ses doigts s’emmêlent dans mes cheveux mouillés. Je l’embrasse fougueusement, je refuse de le lâcher. Nos langues valsent de plus belle et ma poitrine menace d’exploser. Je me sens pousser des ailes. Une évidence me frappe en plein cœur. Un frisson me traverse le corps. Une certitude : Je t’aime, Mickaël. Je t’aime depuis notre tout premier baiser.
Sous le choc, j’interromps en douceur notre étreinte tumultueuse. J’ouvre les yeux, il rigole. Pourquoi est-ce qu’il rigole ? Oh, non ! J’ai été si mauvaise ?
— Beaucoup mieux que dans mes souvenirs, me taquine Mickaël.
— Maintenant, allonge-toi sur le dos, lui ordonnais-je.
— Tu ne penses pas qu’on va un peu trop vite ?
— Espèce de pervers ! Allonge-toi sur le dos, tu vas flotter.
— Facile, là tout de suite, je me sens déjà comme sur un nuage, dit-il en s’exécutant.
Il réussit l’exercice du premier coup. Je m’allonge dans l’eau à côté de lui. Je suis admirative devant son sang-froid, il tient un équilibre parfait. Pendant un moment, nous faisons la planche main dans la main, observant les milliers d’étoiles. On fait le vide, juste un instant, appréciant cette plénitude.
— J’aime les étoiles. J’ai failli en acheter une sur Internet, avouais-je.
— Me fais pas rire, je vais couler ! C’est une arnaque, on ne peut pas posséder une étoile !
— Je sais. Comme on ne peut pas posséder une planète, un océan ou un pays, mais nous vivons dans un monde de fou. L’univers ne nous appartient pas…
— Elle était à combien ?
— Pas cher, cent euros l’étoile, pouffais-je.
— Rien que ça ! Ferme les yeux…, me susurre-t-il.
— OK.
— C’est bon. Ouvre les yeux !
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Cadeau ! Je t’offre toutes les étoiles de l’univers.
Maintenant, elles nous appartiennent.
— T’es fou ! Trop généreux de ta part.
Je sens que sa tête se tourne vers moi et qu’il me regarde.
— Il faut croire que la folie est contagieuse.
Je l’observe à mon tour, son visage est détendu. Je discerne une connexion entre nous ; à cette seconde, nous ne formons qu’une seule et même énergie. C’est magique. J’aimerais que le temps s’arrête définitivement. Je n’ai jamais ressenti une telle émotion.
Mickaël me serre la main. L’eau devient soudain gelée. Un vent froid se répand également dans l’air. Nous détournons nos regards vers le ciel qui paraît beaucoup plus sombre. L’atmosphère s’alourdit. Je tremble, mais mon ami ne me lâche pas.
— T’as vu ça ?
— Les étoiles… Elles…
—… disparaissent, déclarons-nous doucement en même temps.
Que se passe-t-il ?
(13) Série télévisée américaine diffusée dans les années 2000
- Fin du chapitre -
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M : ça va ?
A : NON ! Rejoins-moi au Coffee Lyn’s
M : J’y serai dans 5 mn. À toute !
Je redescends, évite le regard de ma mère et passe la porte d’entrée. Je pars sans adresser un mot à mes parents.
J’arrive au Coffee Lyn’s où Mickaël m’attend déjà à une table avec un cappuccino au chocolat. Il porte l’horrible tee-shirt que je lui avais donné à Noël, l’année dernière, avec écrit dessus
« I’M EVIL ». C’est plutôt ironique puisqu’il est, à ce jour, la seule personne en qui je peux vraiment avoir confiance.
— Pas mal ton tee-shirt, Payet ! le taquinais-je.
— Et toi, tu as une mine radieuse, répond-il d’un air narquois.
Je retiens mon souffle. La tonne d’informations que je garde ne demande qu’à sortir. Comment je vais lui expliquer ça ? Mickaël verse la petite dosette de sucre dans son café. J’ouvre la bouche à deux reprises sans me lancer.
— Alia… Vas-y parle. Qu’est-ce que t’as ?
Les mots fusent de mes lèvres comme les balles d’une mitraillette.
— Mes parents m’ont annoncé, ce matin, que ma sœur Elma serait peut-être toujours vivante et qu’elle est née sirène. Et, avec l’assistance de ma marraine, Jade, ils l’ont abandonnée en mer. Elle se serait illuminée avant de se volatiliser comme par magie !
— Waouh ! Stop ! Tu as une marraine qui s’appelle Jade ?
— J’admire ton sens des priorités, Mickaël !
— Désolé, mais ça fait trop d’un coup, là. Mon cerveau a du mal à traiter autant d’infos. On peut se décaler sur une table en terrasse ?
On prend place à une table en face du parking privé des employés. Mickaël sort un paquet de cigarettes et un briquet rouge de son sac à dos.
— Tu fumes, maintenant ?
— Seulement pour évacuer le stress excessif. Toi, tu portes bien un maillot de bain sur toi tous les jours, non ? Chacun son truc, tant que ça m’empêche de craquer…
Touchée ! Il baisse le regard sur mes bretelles qui dépassent. Je les remonte et empêche son imagination de partir trop loin. Je coupe court et reviens à l’essentiel :
— Ma marraine, Jade, m’a laissé un présent original avant de disparaître de ma vie, répliqué-je avant de sortir la boîte de mon sac.
J’ouvre le coffret délicatement pour montrer l’objet à Mickaël.
— Une brosse ? T’imagines, ça pourrait être une sorte d’artefact, de relique, comme dans Harry Potter (10) !
— Mickaël, je ne rigole pas, là. Et éteins ta clope. Tu me donnes la migraine !
— Bon OK. Calme-toi, tu trembles. Tu viens d’apprendre la vérité sur ce qui est arrivé à ta sœur. Je comprends que tu sois bouleversée. Mais, Alia, regarde-moi. Tu dois garder la tête froide.
Je respire profondément, il a raison. Nous devons rester concentrés et ne pas nous laisser submerger.
— Donc tes parents étaient au courant pour l’existence des sirènes. Tu as une mystérieuse marraine qui doit certainement en savoir plus. Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? chuchote-t-il en écrasant son mégot, avant de me cracher un nuage de fumée toxique en pleine tronche.
— Pourquoi tu chuchotes ?
— Si quelqu’un nous entend, on finira internés tous les deux. Je le regarde d’un air exaspéré, même s’il n’a pas tort.
— On doit essayer de comprendre, finis-je par soupirer.
Mickaël sort un petit carnet de la poche de son jean, ainsi qu’un stylo. Il ouvre le calepin et je vois plein de choses griffonnées à l’intérieur : « Sirène », « Ondine », « Coquillage magique ? », « Un autre monde dans l’océan ? »
Il se met à écrire « M. et Mme Grondin », « Jade, marraine d’Alia », « Elma est une sirène ».
Mickaël relie tous les mots entre eux et s’arrête un moment. Il lâche son stylo brusquement et me regarde, perplexe. Qu’est-ce qui lui prend ? Je repose mes yeux sur le carnet et j’en viens certainement à une même conclusion. Le lien, ce qui se pose parfaitement au centre, c’est moi. Mais pourquoi ? Je saisis le stylo et dresse le carnet face à moi. J’entoure le nom de Jade frénétiquement.
— Je dois retrouver Jade, qui est notre seule piste, conclus-je. Peut-être que je pourrais…
— Qu’on pourra, reprend Mickaël.
— Oui ! Qu’on pourra arranger les choses.
— Considère-moi comme ton acolyte : un genre de Cisco et Barry Allen, Robin et Batman (11).
— On n’est pas dans un film et je ne suis pas une héroïne.
— Je sais. Mieux qu’un film. C’est RÉEL !
Mickaël m’arrache le stylo des mains ainsi que son carnet pour y écrire quelque chose : « MISSION MERMAID » !
— J’aime bien comment ça sonne, se justifie Mickaël.
On aurait pu dire « MISSION SIRÈNE », mais j’avoue que l’anglais est beaucoup plus stylé. Les Américains sont trop loin dans le « turfu » (12). Nous cogitons quelques instants. Au vu de toute cette histoire, nous demeurons désorientés et dubitatifs. Quelle conclusion va émerger ?
Pendant que Mickaël termine les petits biscuits spéculoos gentiment offerts par un serveur, j’en profite pour l’interroger sur son drôle de tatouage. Il me répond juste que c’est un délire.
Qui se tatoue un œil sur le poignet juste pour le fun ?
(10) Plus besoin de le présenter
(11) Références aux comics The Flash et Batman
(12) Turfu, terme employé par les jeunes, qui désigne le mot « futur » à l’envers
- Fin du chapitre -
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Je ferme les yeux un instant et respire profondément en espérant de tout cœur qu’ils ne l’ont pas ramassée. Je n’ose pas pousser la porte, mais, si je ne le fais pas immédiatement, ils auront le temps de la lire. J’ouvre. Trop tard, elle n’est plus là !
J’enfile mon maillot de bain rose, celui des grands jours. Tu me l’avais offert pour mes onze ans, mais il était trop grand, à l’époque. Je m’habille et passe un dernier coup de brosse dans mes cheveux emmêlés. Je descends d’un pas exagéré et lourd, et me prépare à ma sentence. Maman doit servir le petit déjeuner. L’odeur de lait chaud et de gâteaux au miel envahit la salle à manger.
Je les aperçois, ils se tiennent debout dans la cuisine. Les rayons du soleil éclairent leur visage inquiet. Ils se dirigent vers moi.
— Alia, vacille ma mère en froissant nerveusement ma lettre.
— On doit te parler d’un sujet vraiment important, ajoute papa à son tour.
Je n’ai même plus la force de me justifier, je m’assois. La table est parfaitement dressée, avec un petit bouquet de fleurs
posé dans un vase. Ce sont des iris… Même sans le vouloir, ils s’entêtent à me torturer.
Ils ont ma lettre, ils ont donc découvert mes escapades nocturnes. Maman pose sa main sur l’épaule de papa, c’est mauvais signe. Pourquoi restent-ils plantés là ?
— On ne t’a pas tout dit au sujet de ta sœur, déclare mon père.
Je ne comprends rien ! J’en ai le souffle coupé. Qu’est-ce qu’il me raconte ?
— On ne pouvait rien te dire, mais, après les événements récents et ça…, reprend maman en tendant la lettre d’Iris.
— Rends-moi ma lettre, maman !
Je ne les écoute plus, un feu ardent s’enflamme en moi. Je suis littéralement à bout de nerfs.
— Ton père et moi, on s’inquiète pour toi.
Ma mère prend une profonde inspiration. Je la vois froisser la feuille, en faire une boule de papier : la dernière chose qu’Iris m’ait laissée ! Je craque.
— MAMAN, MA LETTRE !! hurlé-je en frappant du poing sur la table.
Elle la lâche, tout en me dévisageant, et se réfugie dans les bras de mon père. Je suis étonnée moi-même par ma réaction. Je ne savais pas que je gardais autant de colère en moi. J’ai l’impression qu’elle a toujours été là. Je regrette immédiatement mon geste. Les paroles de papa me reviennent en tête. Je réalise qu’il voulait me parler de ma sœur. Je respire de nouveau.
— Je… Je suis désolée, je suis épuisée.
Je sens que mes parents s’apprêtent à me révéler l’insoutenable. Je ne sais pas si je suis prête à l’entendre, à encaisser un nouveau coup. Mes larmes roulent sur mes joues.
— Écoute, Alia. On doit t’avouer quelque chose, m’annonce papa.
Je dévisage mes parents à mon tour et me demande s’ils savent quelque chose pour Iris ou les sirènes. Maman se dresse et essaie de reprendre le contrôle sur la situation. Elle sèche ses larmes et déclare :
— Votre naissance a été particulièrement difficile, Alia, comme tu le sais déjà. Elma a succombé à une insuffisance respiratoire, mais ce n’est pas tout… Elle… Elle…
— Elma avait une queue de poisson, lâche papa.
— Put* !
J’ai eu un moment d’absence, le temps d’encaisser le truc…
— Nous étions effondrés de perdre un enfant. Votre marraine, Jade, nous a demandé d’emmener Elma à la petite plage, continue mon père.
Jade ? C’est quoi cette histoire de plage ? On nage en plein délire !
— Petite plage ? Une marraine ?
J’imagine toutes sortes de scènes, elles me torturent l’esprit, tout devient insoutenable.
— Chérie, laisse-nous terminer, s’il te plaît, implore papa.
— Jade nous a expliqué qu’Elma devait appartenir à un autre monde. Que nous devions la laisser s’en aller et ne pas tenter de la retrouver. Ta sœur était destinée à une autre vie, sans nous, avoue maman, désormais en sanglots.
Elle fixe mon père, le suppliant du regard de continuer.
Papa prend la main de maman, il me regarde d’un air coupable et poursuit :
— Nous avons abandonné Elma à l’océan. Elle s’est illuminée de mille feux, comme par magie, quand elle a touché l’eau. À ce moment-là, nous avons compris que c’était là sa nouvelle maison. Nous l’avons vue partir au loin.
Les pièces du puzzle s’imbriquent au fur et à mesure dans ma tête et je comprends.
— Elma est une sirène ! murmuré-je pour moi-même.
— Alia ! Iris, dans sa lettre, dit que la nuit tu fais le mur pour aller nager toute seule. Tu ne peux pas faire ça ! S’il t’arrivait quelque chose, je…
Papa a le souffle coupé, il ferme les yeux un moment en fronçant les sourcils. Je ne lâche pas l’affaire, pour avoir le fin mot de cette histoire. Je pousse mes parents à bout. Maman prend le relais et tente de justifier dix-sept années de mensonges. Elle insiste sur le fait que ce secret était nécessaire pour la sécurité d’Elma. Elle finit son monologue en me disant qu’ils n’ont plus jamais revu Jade ni Elma.
— Pendant tout ce temps…
Mon père se lève et se dirige vers l’atelier au sous-sol, me laissant seule un moment, impuissante, devant maman. Mais je ne lui en tiens pas rigueur, je suis trop bouleversée. Je suis complètement perdue dans mes pensées.
Papa revient bientôt avec un petit objet blanc et me le tend. Je le prends, je tremble et j’essaie de le poser sans le faire tomber.
— Avant de partir, ta marraine t’a offert ce coffret. Nous avions peur que tu nous poses trop de questions sur la provenance de ce cadeau. À l’époque, on estimait qu’il fallait te le cacher… jusqu’à aujourd’hui, révèle papa.
Je l’ouvre et découvre le dernier présent que m’a laissé ma marraine, Jade. J’admire une brosse à cheveux en bois avec trois petits poissons gravés sur le dos. Elle est somptueuse.
J’entends ma mère me supplier :
— Alia, la mer est dangereuse. S’il te plaît, n’y va…
— NON !
J’interromps maman avant qu’elle puisse terminer sa demande « Ne plus retourner dans l’eau. JAMAIS ! » Je mets un terme à ce mélodrame.
— Je… Je ne sais plus quoi vous dire. Vraiment. Je suis perdue avec ces histoires de sirènes, de Jade et de ma sœur. J’aimerais être seule, maintenant, s’il vous plaît.
Je remonte les marches d’escalier deux par deux et claque la porte de ma chambre. Les questions se bousculent dans ma tête. Pourquoi m’ont-ils caché la vérité pendant toutes ces années ? Est-ce qu’ils ont espoir de retrouver ma sœur ? Peut-être que la disparition d’Iris a réveillé chez eux une sorte d’angoisse, la peur de l’océan ?
Je devrais être terrifiée, peut-être même encore plus que mes parents. Pourtant, je ne m’imagine pas une seconde me priver de mon élément. Nager, c’est vital pour moi. J’ai besoin d’y retourner. J’aime l’océan. Cette facette si mystérieuse du monde m’attire tellement.
***
Je me souviens parfaitement de ce que j’ai ressenti, ce jour-là. Cette douleur au fond de moi me torturait. Sur le coup, je n’ai pas pu assimiler toutes les informations. Mon esprit s’était fixé sur Elma, ma moitié que l’on m’avait injustement arrachée. Ma sœur ! Ils l’ont abandonnée. Appelle ça comme tu veux : un état de choc, le deuil, la folie. Il n’y a pas de mots pour l’expliquer. Depuis mon tout premier jour sur Terre, je me sentais détruite. Personne ne peut le réparer. Dix-sept années sans elle et j’ai dû l’accepter. On ne peut plus revenir sur le passé.
- Fin du chapitre -
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Je relis la lettre d’Iris un nombre incalculable de fois. Elle me bouleverse. J’ignorais qu’elle me connaissait aussi bien. J’aimerais tellement la prendre dans mes bras là tout de suite. Je sers la feuille contre mon cœur torturé. Épuisée, je finis par m’endormir en essayant de mémoriser chaque mot qu’Iris m’a laissé.
***
Je me réveille au beau milieu de la nuit à cause d’un « bip » incessant. Mon oreiller est humide de toutes mes larmes versées. Impossible de me rendormir.
Mickaël non plus, apparemment. Il m’a envoyé des liens de sites Internet. J’y jette un coup d’œil : aucun résultat pour des coquillages magiques ou appartenant à une créature quelconque, seulement des suggestions de jouets pour enfants ou de dessins à colorier. Pauvre Mickaël ! Dans le rôle d’investigateur, il n’est vraiment pas doué. Je me lève, me pose derrière mon bureau et m’attache les cheveux pour être plus à l’aise. J’ouvre l’ordi
et commence mes recherches. Tiens bon, Mickaël, je vais m’y mettre aussi. À deux, on finira bien par trouver quelque chose.
Je trouve une première source sur Wikiyoo et envoie le lien à Mickaël sur Messenger.
A : « Sirène » : créature légendaire mi-femme mi-poisson, issue du folklore médiéval et scandinave, autrement dit « mermaid ». À ne pas confondre avec la sirène de la mythologie grecque, mi-femme mi-oiseau.
Je reçois un commentaire de mon acolyte :
M : Effrayantes, les illustrations !
A : Je les trouve plutôt réalistes.
Je continue mes recherches.
Christophe Colomb prétendait en avoir vu en 1493. Les légendes se diversifient : « Terribles tentatrices », « Héroïnes en quête d’amour ».
Les histoires sur les origines des sirènes sont nombreuses. Elles sont considérées désormais comme un mythe ou un énorme canular. Une théorie prétend que ce seraient des lamantins qu’on
aurait confondus avec des femmes à queue de poisson.
Je reçois un nouveau lien de Mickaël, toujours pris sur Wikiyoo.
M : « Ondines » : génies des eaux dans la mythologie germanique, blablabla…
Attends ! Iris est une sorte de génie ? Je m’apprête à interroger Mickaël, quand j’aperçois les trois petits points, il est en train de m’écrire.
M : T’imagines Iris avec des pouvoirs ???
A : OMG ! C’est un truc de ouf…
Les ondines sont décrites comme des nymphes qui fréquentent plutôt les eaux courantes : rivières, fontaines, cascades… C’est pour ça que tout le monde jette des pièces dans les fontaines avant de faire un vœu ? Il est aussi cité que les nymphes sont « des hommes sans âme ». Moi je pense plutôt que ce sont des âmes sans corps.
Je cherche dans une nouvelle source d’information. Les médias en parlent sur le site info.eu :
« Une sirène aperçue hier soir vers 19 h par plusieurs pécheurs sur les côtes de l’Étang Salé. Les hommes affirment avoir vu une femme à queue de poisson. Info ou Intox ? Aucune photo n’a été prise. L’apparition étant si brève pourtant si exposée, cela ne pouvait être que le fruit d’un canular. »
Intéressant… Je transfère pour Mickaël.
Mickaël et moi cherchons désespérément à comprendre. Après plusieurs heures de théories et moult échanges de liens sans queue ni tête, nous décidons d’en arrêter là pour le moment. Le soleil va bientôt se lever, je lâche mon téléphone et me rendors.
***
TOC TOC TOC
Je sursaute et me réfugie sous ma couette. C’est le week-end ! Pourquoi venir frapper à ma porte aussi tôt ? Celle-ci s’ouvre. Maman et papa franchissent le seuil de ma chambre en tenant un muffin au chocolat décoré d’une bougie.
Je suis exténuée. Pitié, laissez-moi dormir !
— Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire… Joyeux
anniversaire, Alia, joyeux anniversaire ! chantonnent-ils en chœur.
Je pensais que mes parents seraient du genre à prendre la situation avec des pincettes. Quelle situation, déjà ? Ah oui ! Celle où leur fille chérie fête son anniversaire juste après celui de sa meilleure amie décédée.
Je ressens de nouveau ces picotements dans les doigts, suivis de nausées. Je suis vraiment angoissée. Mais je fais l’effort de sourire malgré tout. Quel était le souhait d’Iris ? Certainement pas de devenir une ondine…
Je fixe la bougie. Arrêt sur image. Chaque année, je fais un vœu pour Elma, c’est également son anniversaire.
La moindre des choses à faire est de réaliser les rêves qu’elle aurait pu avoir. Je tente de vivre aussi pour elle. Au début, c’étaient des souhaits comme « Je deviendrai capitaine de la patrouille des scouts » ou « J’irai à une méga soirée pyjama ». Au fond, ce sont des choses qui ne m’emballent pas vraiment, mais je me dois de les concrétiser. J’imagine que ce serait le genre de délires que ma sœur aurait pu aimer.
Cette fois-ci, pourtant, c’est différent, j’ai vraiment besoin d’un vœu purement égoïste. J’ose croire qu’il s’exaucera. Je prends une bouffée d’oxygène : « Je veux retrouver Iris ! » Je souffle fort et en un seul coup sur la bougie, ravivant en moi le plus grand espoir jamais ressenti. Quand, soudain, un courant
d’air venant de ma fenêtre restée ouverte emporte avec lui une feuille.
D’où il sort, ce papier ?
La page traverse la pièce, se glisse sous les jambes de papa et atterrit sur le palier de la porte. Je comprends qu’il s’agit de la lettre d’Iris. Elle a dû tomber lorsque je me suis endormie.
— Habille-toi, ma chérie, et rejoins-nous en bas, dit papa.
— Où est-ce qu’on va ? m’exclamé-je tout en fixant la feuille au loin.
— Où tu voudras tant que tu quittes cette chambre ! s’exclame maman en refermant la porte.
Merde, ma lettre ! Faut que je la récupère !
- Fin du chapitre -
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Journée type de Mlle Alia Grondin selon Iris Payet
À ma meilleure amie !
Alia se lève chaque matin à 7 h précises. Elle n’a pas besoin de mettre cinquante alarmes toutes les cinq minutes. Une des raisons pour laquelle je l’admire.
Ensuite, elle se fixe devant son miroir, affublée de son traditionnel maillot de bain. Elle est juste sublime, avec ses cheveux roux ondulés et volumineux. Elle se dévisage, puis scrute sa cicatrice. Elle en a honte et, pourtant, elle évoque un symbole de force et de courage. La preuve qu’elle est une battante. Malheureusement, elle lui rappelle constamment qu’elle a perdu sa sœur siamoise, sa moitié.
Alia se rapproche de son reflet et observe ses taches de rousseur, ainsi que ses yeux d’un vert « normal », selon elle, « vert émeraude », selon moi. Mon amie ne le sait pas, mais elle renferme dans son regard un univers tout entier. Quand elle me contemple, je sais qu’elle me voit telle que je suis vraiment. Elle a aussi des fossettes qui se creusent sur ses joues. Quand elle sourit, elle est tellement adorable. Difficile de rester de marbre. Elle a ce petit quelque chose qui la rend encore plus charmante. Une énergie qui vous fait vibrer. Je la fixe et la trouve simplement magnifique. Je suis tellement fière qu’elle soit ma meilleure amie !
Alia finit de se préparer. Elle descend prendre son petit déjeuner, un cappuccino au chocolat, car elle déteste le café. Ses parents s’inquiètent pour elle et lui posent toujours les mêmes questions du style « Tu as bien dormi ? », « Tu as révisé pour ton examen ? »
Pour ne pas les décevoir, elle répond ce qu’ils veulent bien entendre. Alia a les épaules toujours solides, ne s’effondre jamais. Comme un super héros, elle garde tous ses fardeaux et épargne le reste du monde.
Vers 7 h 30, elle court jusqu’à l’arrêt de bus. Ma copine a un bon cardio. Elle aime bien attendre la dernière minute pour faire les choses, fabriquer un peu d’adrénaline et, le moment venu, elle donne tout. Évidemment, elle s’assoit toujours à mes côtés dans le bus. Un moment sacré où l’on se raconte nos projets, nos idées, nos problèmes…
Pendant les cours, on s’échange des petits mots, on critique les profs en douce, comme tout adolescent normal. Durant notre temps de pause, on s’assoit sur le muret bleu, près de l’entrée, pour éplucher les allées et venues des élèves. Puis on discute des dernières séries qu’on a vues, on se montre des photos qu’on s’apprête à poster sur Instagram.
Entre midi et deux, à la cafétéria, Alia me donne toujours son dessert. Elle dit que c’est pour faire attention à sa ligne, mais elle a la taille de guêpe ! À notre table, nous avons la meilleure vue sur celle des joueurs de basket : HYPER CANONS !
À la fin des cours, on se retrouve près de nos casiers. En général, on fait un bref bilan des choses à retenir, puis on rentre en bus. Quand elle arrive chez elle, elle monte s’isoler dans sa chambre. Mme Grondin espère secrètement qu’un soir sa fille se posera dans le canapé pour discuter avec elle. Le temps où elles se faisaient des tresses ou lorsqu’elles dessinaient dans l’atelier lui manque. La mère d’Alia rêve de retrouver sa petite fille, comme avant.
Ma copine a toujours culpabilisé pour la mort d’Elma, sa sœur siamoise, mais elle ne devrait pas. Elle essaie de se surpasser, d’être la meilleure version d’elle-même, de tout faire pour rendre fiers ses parents. Pourtant, elle n’a pas besoin d’en faire autant, car la vraie Alia Grondin est extraordinaire !
Ma meilleure amie est celle qui fait d’excellentes blagues sur les « reines mutantes » du lycée. Celle qui fait les meilleurs crêpes au monde et qui arrive à ressortir la tête haute dans n’importe quelle situation !
La nuit, lorsque ses parents la croient endormie, elle sort secrètement de sa chambre et court jusqu’à la petite plage. Elle nage pendant cinq minutes, profite de chaque seconde et rentre ensuite paisiblement chez elle, ni vu ni connu.
Sans Alia Grondin, le monde serait fade et bien trop ordinaire.
À cette journée où le monde a accueilli cette fille formidable ! Joyeux anniversaire, Alia !
Bisous.
- Fin du chapitre -
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Quelques heures plus tard
Je suis de retour à la maison, enfermée à clé dans ma chambre. Blottie sous la couette, je pense à Iris, à toute la douleur ressentie ces derniers temps.
Il y a à peine trois jours, au lycée, le casier d’Iris était parsemé de fleurs, de photos, de bougies. Sans oublier les petits mots laissés par de nombreux inconnus :
« Repose en paix, Iris, tu vas nous manquer. Alexandra »
« Je t’aime, petit Ange… Louise »
Non mais sérieusement, Iris ne les connaissait même pas ! Les bruits de couloirs m’insupportent plus que d’habitude.
Les professeurs restent sous le choc. La psychologue de l’établissement lance des appels à la discussion. « Un bel hommage », avait dit la proviseure. De cette journée-là, je n’oublierai pas la prestance incomparable de Mme Bello. Elle avait fait l’effort démesuré de se vêtir en noir, couleur qui reflétait bien son état d’âme. L’expression de son visage avait semblé ferme ; pas un brin de compassion n’échappa de son regard ou de sa voix. Elle passa péniblement dans toutes les classes pour nous informer qu’un hommage serait rendu à l’une de nos élèves « disparue ».
Il y a des personnes, quand on les rencontre, que ce soit une hôtesse de l’air, un avocat ou un professeur, tu sens qu’ils sont nés pour ça, un simple regard suffit. Mais ce n’est pas du tout le cas de Mme Bello. Je contemple parfois une femme prisonnière de sa propre vie. Elle déteste tellement son travail.
Le jour de la cérémonie, avant de quitter sa classe, elle m’avait fixé un instant. Elle avait fini par me dire : « Toutes mes condoléances, mademoiselle Grondin ». Était-ce du sarcasme ? Faisait-elle mine de compatir ? Elle ne connaissait même pas mon nom, avant ce jour, ni même celui d’Iris. Je m’étais pris une sacrée claque. Ces mots m’avaient fait l’effet d’une lame coincée dans ma poitrine. Comment avait-elle osé ? J’avais écrasé la feuille posée sur mon bureau, j’aurais adoré la lui jeter en pleine face. Je m’étais levée en m’imaginant lui aboyer dessus, puis je m’étais laissé retomber brusquement sur ma chaise. Ils s’attendaient peut-être tous à ce que je dise quelque chose ou que je réagisse. Quelle déception pour toute la classe, lorsque je les avais privés de ce petit spectacle ! J’aurais pu l’insulter, renverser une table, quitter la classe en pleurant. Mais je n’avais pas pu leur faire ce plaisir. Il m’était impossible de rentrer dans ce qui me semblait devenir une immense comédie. Je devais rester forte, pour Iris.
À cet instant, je réalisai, du jour au lendemain, que tout pouvait s’arrêter. Une petite voix hurlait désespérément à l’intérieur de moi.
Je veux vivre !
***
Je sors de mes rêveries. Iris… Je cherche à trouver un sens à cette histoire et décide enfin de lire sa lettre.
- Fin du chapitre -
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— IRIS !!! crie Mickaël, estomaqué, regardant derrière mon épaule.
Confuse, je me retourne et découvre mon amie ! Et aussi étrange soit-il, je n’ai aucun doute. C’est bien elle !
— IRIS ??? IRIIIS ! implorais-je en lui sautant dessus. Mais elle disparaît instantanément entre mes bras.
— Tu ne peux pas me toucher, Alia.
— Comment ? Pourquoi ? Mais…
— Ce n’est qu’une apparence de mon ancien corps ! s’exclame-t-elle, réapparaissant un peu plus loin.
Elle est identique, semblable à l’Iris que j’ai toujours connue. Ses lèvres charnues, ses yeux bleus pétillants, ses cheveux dorés et brillants ont même l’air sec. Seule sa tenue est différente : la jeune fille est entourée d’algues qui cachent l’ensemble de son corps.
Mickaël, une main devant les yeux, n’a pas l’air bien. J’espère qu’il ne va pas s’évanouir et me laisser seule dans cette situation.
— Mais… Tu es… Tu n’es pas… Tu es morte. Non. Ce n’est pas réel. Ce n’est…, bégaie Mickaël, stupéfait, devenu tout pâle.
Je me remémore le jour où Iris est tombée à l’eau, comment je l’ai laissée périr, l’annonce de son décès et son enterrement. Je fronce les sourcils et recule de quelques pas. Mickaël n’a pas tort. Iris est morte. Ça ne peut pas être elle.
— Oh, non. N’aie pas peur. Écoute. C’est moi ! Alia !!
Je fais doucement demi-tour et m’apprête à quitter cette plage.
Je deviens dingue. C’est ça… Ce n’est pas réel, je vais rentrer chez moi. Et je…
— Lorsque je suis tombée à l’eau, mon âme s’est libérée de mon corps pour apparaître sous une nouvelle forme. Je fais désormais partie des créatures qu’on appelle « les Ondines ».
C’est insensé ! Je ne peux plus bouger. Je me mets à pleurer à chaudes larmes. Tout est de ma faute. Absolument tout.
Je me retourne pour lui répondre :
— J’ai vu cette sirène t’attaquer. C’est elle qui t’a fait ça ? Je décide de lui laisser le bénéfice du doute. En même temps,
j’aimerais vraiment me faire confiance. Être sûr que je ne suis pas en train de devenir dingue.
— Elle ne voulait que le coquillage que je portais au cou. Mais, quand elle me l’a arraché, j’ai reçu comme une décharge électrique qui a séparé mon âme de mon corps. Je pense qu’à ce moment-là, l’océan a voulu me garder auprès de lui, me dit-elle calmement, avec son doux sourire.
Je la laisse poursuivre.
— Alia, ce n’est pas de ta faute ! Je te le jure.
— …
Je ne sais pas quoi lui répondre. Mickaël se décide enfin à se relever et à s’approcher.
— Alia… Mickaël. Je peux vous demander une chose ?
Je hoche la tête. Mickaël est toujours en train de la dévisager.
— Si vous trouvez d’autres coquillages identiques à celui que j’ai reçu le jour de mon anniversaire, pourriez-vous me le rapporter, s’il vous plaît ?
— Mais…, balbutiais-je.
Un sifflement assourdissant nous interrompt, mais Mickaël n’a aucune réaction, comme s’il n’entendait pas.
— Je suis désolée, je dois m’en aller. Vous ne devez en aucun cas révéler notre existence ni celles des sirènes à qui que ce soit ! Mickaël, embrasse maman et papa pour moi et veille sur ma meilleure amie.
***
Cette nuit-là, une flamme s’est réveillée en moi, une lueur d’espoir. Et j’ai su que les miracles existaient.
- Fin du chapitre -
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J’arrive à la petite plage. Un petit vent frais me fouette le visage. Le bruit des vagues résonne dans les rues. La lune est pleine, elle éclaircit le ciel. J’aperçois une silhouette sur le sable.
— Salut, murmure Mickaël.
— Salut, réponds-je en m’asseyant près de lui.
— Joyeux Anniversaire !
— Oh ! Hum… Merci !
J’avais oublié mon propre anniversaire !
— Ce n’est pas de ma part, mais d’Iris. Je l’ai trouvé dans sa chambre, rétorque-t-il en me tendant un paquet.
Iris avait déjà prévu quelque chose pour moi ? Un immense sentiment de culpabilité me submerge, je ne peux retenir mes larmes.
— Je l’ai ouvert avant toi. C’est un book avec vos plus belles photos et une enveloppe intitulée « La journée type d’Alia Grondin selon Iris Payet ».
Je reste sans voix. Soudain, je remarque que nous sommes beaucoup trop proches l’un de l’autre. Son genou effleure le mien. La tête plongée dans l’album, je sens que Mickaël m’épie. Je lève timidement les yeux vers lui, souris pour dissimuler mon trouble. Un sourire automatique peut camoufler tous les malheurs du monde. Pas toujours efficace, je l’avoue. Du moins pas avec Mickaël.
— Je sais que tu caches quelque chose, Alia. Tu peux bien me le dire ! demande le jeune homme en posant sa main sur mon genou.
Je fais mine de ne pas l’entendre ni de le sentir. Je contemple ma première photo avec la famille Payet. Je sens que Mickaël se rapproche encore un peu, juste pour y jeter un œil.
— Tu te rappelles ce jour-là ? tenté-je pour changer de sujet, en lui montrant un cliché.
— Bien sûr ! C’était la première fois que tu venais à la maison. Maman avait préparé une tonne d’apéritifs. Tu as pris un beignet de crevette et, après l’avoir dévoré en une bouchée, t’as foncé dans la salle de bains. J’étais en train de me préparer pour aller au foot. Tu commençais à avoir des petits boutons sur les joues et j’étais mort de rire. Tu essayais de cacher tes rougeurs avec le maquillage de ma mère. J’ai découvert ton premier secret ! Mademoiselle Grondin est allergique aux crevettes.
Waouh… Mickaël se souvient parfaitement de notre rencontre.
À l’instant, je me réjouis et un vrai sourire apparaît sur mes lèvres, qu’il me rend instantanément. Je pense même rougir ;
heureusement qu’on est dans la semi-obscurité. Il ne me quitte plus des yeux. Mon cœur bat plus vite que d’habitude, mais pourquoi ? Il n’y a pas de raison. Je sens son bras gauche prendre appui sur le sable juste derrière mon dos. Si je me décale juste un tout petit peu, je pourrai m’appuyer contre lui.
M’appuyer contre lui ?
Mais qu’est-ce qui me prend ? Je ne peux pas faire ça ! Je me redresse et rentre mes genoux dans mes bras pour créer de la distance entre nous. Il enlève son bras tendu derrière moi et imite ma position. Nous ne disons plus un mot pendant un court instant. Je me demande s’il a senti cette proximité entre nous ou si je me fais des films.
À quoi il pense, maintenant ? Je me surprends moi-même à me poser des questions sur lui. Je le regarde sous un angle nouveau et Mickaël Payet me semble subitement être un personnage bien mystérieux. Comment une personne que l’on supporte depuis des années peut-elle tout à coup devenir si intéressante ? Peut-être que… Peut-être qu’il suffit de pas grand-chose, finalement, juste d’un sourire. Un vrai. Celui qui fait du bien à l’âme.
— Toi, tu ne m’as jamais rien confié…, finis-je par lâcher.
Il me regarde d’un air triste, puis tourne la tête vers la mer limpide et silencieuse. Je préfère les eaux calmes aux vagues
bruyantes. Elles s’épuisent, se forment et s’étendent sur des kilomètres. Elles s’élancent sur une même ligne, pour s’éclater violemment sur elles-mêmes, encore et encore, indéfiniment. Un cycle auquel on ne pourrait rien changer. J’observe attentivement le poignet de Mickaël et cet étrange symbole gravé sur sa peau. Je me demande s’il a rejoint une secte ou un truc de ce genre. Je m’apprête à le lui demander, quand il me lâche d’un coup :
— Ce jour-là, je n’ai pas plongé pour sauver Iris, parce que je ne sais pas nager.
— Tu ne sais pas nager ?
Je suis abasourdie. Un bref moment de malaise s’installe, je réalise que je ne l’avais jamais vu à la piscine, ni dans la mer ni dans l’équipe de natation du lycée. Prise de remords, je lui raconte tout. Je lui décris la voix que j’ai entendue sous l’eau, ainsi que la sirène qui a attaqué Iris.
Il me fixe, perplexe, comme s’il ne pouvait pas y croire. Il a l’air de penser « Oh non… Elle a perdu la raison ». Il se lève et commence à tourner en rond en posant ses mains sur sa tête. Il s’arrête.
— Alia…
Sa voix est grave et fébrile, utilisant le même ton que pour raisonner un enfant. Mickaël n’arrive même plus à poser les yeux sur moi.
— Tu ne me crois pas, c’est ça ?
Pas de réponse. Je me mets à bouillonner, me lève d’un bond et m’approche de l’eau. La marée monte jusqu’à mes pieds. Mon corps me lâche, mes genoux percutent violemment le sable. Je hurle de toutes mes forces, contre le monde, contre les sirènes, contre la mort, contre l’océan, contre Mickaël, contre toi…
Ma voix se brise lorsque je sens la main de mon ami se poser sur mon épaule. Je n’ai plus peur, je le repousse et plonge en espérant qu’il se passera quelque chose. Je veux qu’il me croie. La tête sous l’eau, j’attends, en apnée, qu’il se produise un événement anormal, inexplicable. Mais rien ! En remontant à la surface, je me sens ridicule. Je me dirige, tête baissée, vers Mickaël.
SPLASH !
Je reçois des éclaboussures et lève les yeux vers Mickaël. Il est à genoux dans l’eau, face à moi. Il a le regard dans le vide. Du moins, c’est ce que je crois. Soudain, je me reconnais dans son expression. Il est complètement choqué. Je pense avoir été dans le même état quand…
- Fin du chapitre -
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Sept jours après le drame
Il ne s’est écoulé que deux minutes entre la chute d’Iris, ma tentative de sauvetage minable, l’intervention de M. Payet et l’arrêt de son cœur. Selon les médecins, elle a fait une crise cardiaque. Personne ne peut expliquer la cause de cette crise.
C’est bien sûr cette créature marine qui l’a tuée, mais personne ne me croira, il n’y a aucune trace de lutte. Et comment aurais-je pu annoncer aux parents d’Iris : « Monsieur et madame Payet, j’ai vu une sirène agresser votre fille et j’ai eu si peur que je n’ai pas pu la sauver ! »
Cela fait-il de moi la complice d’un meurtre ? Si je le leur disais quand même, on me prendrait certainement pour une folle. Je me sens coupable, encore…
Je suis complètement vide. En perdant Iris, j’ai à nouveau l’impression de perdre une sœur. Je me dis que j’aurais dû être à sa place, comme pour Elma. Iris aurait eu un bel avenir dans ce monde. Elle serait sûrement devenue pédiatre ou avocate, comme sa mère, peut-être professeure, comme son père. Elle aurait pu voyager et découvrir le monde, aider les plus démunis, être heureuse. Elle avait tellement d’ambition, tellement de rêves.
Sa voix me réveille encore en sursaut dans mes cauchemars. Elle tombe en hurlant : « Aliaaa ! », l’air terrifié, les larmes débordant sur ses joues. Je crois encore l’apercevoir aux coins d’une rue, devant le lycée ou dans une foule. Une petite blonde d’un mètre soixante avec un chignon, de grosses lunettes et un petit sac à dos noir. Alors mon cœur s’enflamme pendant un millième de seconde. Je m’apprête toujours à crier son nom, IRIS… ! Puis mon souffle se coupe. Je reviens à la raison et réalise subitement que ce n’est pas elle.
Ça me fait bizarre de voir son siège vide dans le bus, d’être seule à notre table à la cantine, de relire nos messages sur mon portable. Le matin, je n’arrive même plus à me regarder dans le miroir, je suis un monstre. J’aurais dû la sauver, mais ça m’a été impossible. J’étais tétanisée. Ma meilleure amie est MORTE !
***
Il est 23 h 41. Je regarde encore les photos d’Iris, quand je vois le nom de Mickaël apparaître sur mon écran. Ce n’est pas son genre de m’envoyer des textos.
M : Tu dors ?
A : Non. Tu veux quoi ?
M : Rejoins-moi à la petite plage. A : Pour quoi faire ?
M : Tu verras…
A : Ma mère fait sa dernière ronde dans une minute. Quand la voie est libre, je te rejoins.
M : Ça marche.
Depuis une semaine, ma mère passe me voir régulièrement dans ma chambre, vérifier que je vais bien. Les deux premières nuits après la mort d’Iris, elle dormait avec moi, essuyait mes larmes, m’aidait à respirer pendant mes crises d’angoisse. Ma mère est géniale. Quand j’étais petite, c’est elle qui m’a trouvé la technique du décompte. Quand je dois faire quelque chose de terrifiant, je compte à rebours dans ma tête sans m’arrêter. Comme un commandant de bord qui annonce le décollage d’une fusée. J’adorais les fusées, tu t’en souviens ? Je peux commencer à « dix » si quelque chose m’effraie vraiment beaucoup. Si j’ai juste un petit stress, commencer à « trois » suffit ; tout dépend de la chose, en fait.
Les yeux fermés, je respire profondément. J’entends la porte s’ouvrir pour la dernière fois, doucement, et je prends un air assoupi. Je sens la lumière illuminer la pièce quelques secondes,
puis maman s’en va boire son thé avant de se coucher. J’enfile les coussins sous ma couette, avant d’ouvrir ma fenêtre pour m’évader par la cour arrière.
Pendant que je cours en descendant l’allée, j’ai des sueurs froides. Et s’il avait découvert la vérité ? Je stoppe net mon sprint. Je constate que je suis devant le pied de litchi de Mme Bijoux qui est éteint. Ce n’est pas normal. Où est Mme Bijoux ? J’hésite à faire demi-tour.
Alia Grondin, arrête d’être aussi lâche et fonce !
- Fin du chapitre -
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Je suis face à Mickaël, cherchant une repartie, mal à l’aise.
Le moment se fissure subitement.
— Aliaaaa !!! hurle de douleur Iris.
Je me retourne aussitôt et aperçois Iris qui chute en arrière, par-dessus la rambarde du bateau. Je sens mon cœur s’arrêter et une voix dans ma tête rugir : « SAUTE ! » Je plonge, sans faire de décompte, sans enlever mes vêtements ni mes sandales.
Je sens l’eau glacée me frapper d’un grand coup, la pression de l’eau se dissipe et mes vêtements me collent à la peau. J’ouvre les yeux et cherche désespérément Iris. Je fais un demi-tour sur moi-même et la trouve enfin sous la coque du bateau. Elle n’est pas seule. Mais ce que je vois me semble invraisemblable… Iris se fait agresser, prisonnière d’une longue queue de poisson à écailles violettes. Je me frotte les yeux, ébahie. C’est une femme qui est face à elle, brune à la peau pâle. J’avance à peine et comprends que cette queue de poisson lui appartient. C’est une SIRÈNE !
Je m’approche encore plus. Je vois mon amie souffrir, se débattre de toutes ses forces, mais je ne réagis pas. Pourquoi je reste plantée là ? Je suis tétanisée, comme si le monde continuait
à tourner, mais que je n’en faisais pas partie. Je me dis que je dois être en train de rêver, je me mords les lèvres jusqu’au sang, je ne ressens plus rien. Je l’aime, il faut que j’aille la sauver, mais je n’y arrive pas.
Iris me voit. Dans son regard apeuré, je saisis que c’est réel. Elle ne me quitte pas des yeux, elle m’appelle à l’aide, je le sais. Elle attend que je la sorte de là. Que je fasse quelque chose, n’importe quoi.
Je n’y arrive pas.
Son expression a changé, elle est pétrifiée. Elle comprend que je suis désemparée. Je voudrais combattre cette chose. Iris le sait, c’est perdu d’avance, j’en suis incapable. La sirène la bloque avec sa longue queue et tend sa main vers son cou. Les cheveux ondulés de la créature enrobent le visage d’Iris.
Je tente de crier et perds mon souffle. La sirène tourne la tête vers moi. Ses yeux globuleux me foudroient. Je ne peux plus respirer. Je remonte brusquement à la surface et tousse à m’en étouffer. Sous le choc, j’entends Mickaël brailler, mais je suis trop abasourdie pour comprendre mon entourage. Soudain, M. Payet plonge à quelques centimètres de moi pour récupérer Iris qui s’enfonce plus profondément sous le bateau. Je sens les éclaboussures se mêler aux larmes sur mon visage. M. Payet réussit à remonter Iris à la surface et la ramène sur le catamaran. Je les fixe un instant et me décide à rejoindre le bateau. Je sens des picotements dans les doigts, mais pas la lourdeur de mes vêtements ni le poids de mon corps.
Je nage automatiquement vers la rambarde à laquelle je m’accroche subitement. Je respire à nouveau, mon souffle est lourd et rapide. Je réunis mes dernières forces pour remonter sur le bateau. J’entends les sanglots de la mère d’Iris. Je relève la tête et découvre ma meilleure amie inerte. M. Payet commence le bouche-à-bouche. Iris paraît pâle et froide, sa peau est blanchâtre, ses lèvres sont bleues. Mickaël lui prend la main, puis cherche son pouls. Les secondes paraissent des minutes et bientôt tout le monde a l’impression de mourir…
- Fin du chapitre -
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— Oh ! Quel splendide coquillage ! s’écrie Mickaël d’un air sournois.
Je laisse Iris un instant admirer ses cadeaux, le temps de concerter « monsieur petits secrets » à l’écart de la famille.
— Qu’est-ce que je dois faire, cette fois, pour que tu tiennes ta langue ? chuchoté-je.
Je n’arrive plus à le regarder en face, il est si envoûtant. Je me concentre sur le col de son polo qui remonte.
— Pour qui tu me prends ? ricane-t-il.
Je n’aime pas son ton moqueur et sûr de lui. Mickaël a ce sourire du garçon mignon, mais insupportable. Tu vois le genre ?
***
On fait une pause ?
C’est drôle le pouvoir qu’un narrateur détient en racontant son histoire. Il peut prendre la tournure qu’il désire, rendre son récit plus dramatique, plus drôle ou plus beau. Tout dépendra du ton qu’il prendra, des mots qu’il emploiera. Le spectateur, lui, subit. Ce n’est pas juste, pas vrai ? J’essaie de te raconter l’aventure comme je l’ai vécue. Je t’avoue que, parfois, ce n’est pas évident de trouver les bons termes, de transmettre quelque chose de vrai pour la personne qui écoute. Pour que tu aies l’impression de vivre ces moments dans l’instant.
- Fin du chapitre -
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