La robe couleur Soleil

La robe couleur Soleil

Autrice auto-éditée : Sandy-Marie Jaglale

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Mis en ligne par Lectivia
Dernière mise à jour 23/08/2024
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Français Jeunesse Débutant(e)
La robe couleur Soleil
Histoire

La Robe Couleur Soleil

Il était une fois, une île. Océan bleu lagon, forêts vert fougère, épices jaune safran, volcan terre brûlée... se réunissaient sur ses terres. Quelle belle Réunion ! Vêtues de robes chatoyantes, les fleurs dansaient au gré des alizés. Seul Louis, un jeune homme rêveur et doux connaissait leur langage et son talent attirait l'admiration de tous les habitants du royaume. Un jour, le roi le convia au palais :

- J'ai entendu beaucoup d'éloges à ton sujet, Louis ! L'arbre de la reine est malade, il dépérit un peu plus chaque jour, saurais-tu le guérir ?

- Je ferai tout mon possible, Sire.



Le roi accompagna Louis dans une allée d'arbres du voyageur.

Là, un arbre triste pleurait. Louis s'approcha, caressa le tronc desséché et les branches dépouillées. Flûtée, sa voix s'éleva dans l'air où ses mélodies enchanteresses se mêlèrent au souffle du vent. Caresses et chants cessèrent à la nuit tombée lorsqu'il s'endormit au pied de l'arbre. La lune veilla sur lui.

Aux premiers rayons du soleil, des cris de joie le réveillèrent.

— Mon arbre est guéri ! Enfin, il est guéri.

Avec bonheur, Louis découvrit que quelques branches étaient entrées par la fenêtre de la chambre de la reine pour l'étreindre.

Dans le ciel, au cœur des nuages, d'autres se déployaient avec magnificence. Parmi le vert tendre des feuilles, resplendissaient des fleurs écarlates baignées de la lumière de l'aurore. Des dizaines, des centaines, des milliers de fleurs.



Sous l'arbre qui se dressait superbement, le roi retrouva Louis.

- Tu as rendu le sourire à la reine, dis-moi ce que tu désires et je te le donnerai. Parole de roi !

- Sire, je possède l'essentiel : l'amour des fleurs.

- Alors, révèle-moi ton secret.

- Je ne fais que leur parler, avoua-t-il les yeux pétillants.

- Mes sept jardiniers vieillissent, sont parfois grincheux, dormeurs, voire simplets. Reste ici pour les aider et tu ne manqueras de rien.

- Sire, quel honneur ! quel bonheur !

Son bienfaiteur le conduisit aussitôt à sa nouvelle chaumière, à l'arrière du palais, face à trois petites cases : l'une en briques, l'autre en bois, et encore une autre en paille.

- Choisis celle que tu veux, Louis.

- La case en paille me convient, Sire.



- Qu'il en soit ainsi, mon ami.

Avec enthousiasme, le monarque désigna les ronces et les épines. Entrelacées les unes dans les autres, elles étouffaient la végétation.

— Je te confie mon jardin. Comme tu le vois, tout n'est que désolation.

Chaque jour, Louis travaillait passionnément, laborieusement.

Très vite, le jardin devint un arc-en-ciel de couleurs. Comme des pierres précieuses, bougainvilliers, poinsettias, alamandas flamboyèrent. De leurs branches chargées de fruits, les « pieds de letchis » caressaient le sol, accueillaient les oiseaux la vierge revenus nicher. Les lianes de vanille, dont le parfum sucré embaumait l'air, enlaçaient les arbres à pinpin.



Un jour, alors que Louis semait des graines dans le verger, en haut d'une tour, il la vit : était-ce une fée ? était-ce un ange ?

Il n'aurait su le dire tant sa beauté évinçait l'éclat du soleil.

Parsemée de diamants, sa chevelure brillait comme un ciel étoilé jusqu'à ses pieds. Dès qu'elle l'aperçut, elle descendit avec grâce les escaliers en pierre pour se présenter :

— Je suis Lilas, la plus jeune fille du roi. Louis, mes servantes m'ont tant parlé de toi, murmura-t-elle. Montre-moi comment tu parles aux fleurs.

Le jeune homme utilisait très rarement son don, mais la princesse avait fait naître des BOUM BOUM dans son cœur, aussi les graines de papaye tremblèrent dans ses mains tandis qu'il les enfouissait dans la terre. Au son de sa voix cristalline, chaque graine se métamorphosa en un arbre géant, frôlant les paille-en-queue qui virevoltaient dans le ciel.




Muette d'admiration, Lilas contemplait les papayers lorsque l'horloge de la tour sonna douze coups. Elle sursauta puis s'écria :

— C'est l'heure de ma leçon de séga et de maloya.

Elle disparut aussi vite qu'elle était apparue, perdant dans sa hâte un côté de sa ballerine en satin. Dans l'espoir de la revoir, Louis se précipita vers le palais pour la lui rendre. Mais devant la porte, se tenait un empereur fort beau, fort élégant dans des habits tout neufs.

— Je suis sûr que le roi m accordera la main de la princesse Lilas, se disait-il à haute voix.

Un seul regard sur ses vêtements et le jeune homme s'enfuit à toutes jambes tant ils parurent misérables tout à coup.

Le lendemain, sous un tamarinier, Lilas l'attendait, assise sur une balancelle, ses cheveux flottaient au vent, ses yeux améthyste illuminaient son visage angélique.




Elle l'invita à s'asseoir près d'elle. De temps à autre, ils se regardaient et le bonheur les transperçait. Les après-midis, ils se retrouvaient sous le tamarinier et le jardinier tomba éperdument amoureux de la princesse dont la douceur, la bonté, la gentillesse et la candeur l'avaient étonné chaque jour davantage. Frémissant comme une feuille, Louis prononça enfin les mots dont il rêvait :

- Je vous aime. Ma vie vous appartient.

- Louis, je t'aime aussi.

Tout à coup, des éclats de rire semblables à ceux d'une sorcière retentirent, les sœurs de Lilas surgirent d'un massif de bougainvilliers dans toute leur laideur. Cachées là depuis un moment, elles avaient tout entendu. Macotte, l'aînee, s'exclama avec dédain en faisant tinter ses bracelets d'or :

— L'amouourrrr ? quelle baliverne, surrrtout avec LILUI !

Je préfère porter de beaux bijoux.


Chipek, la cadette, s'extasia :

- Moi, je préfère le frou-frou d'une robe de soie.

Sans grâce, elle tourbillonna, perdit l'équilibre et le sol accueillit son corps difforme.

- Peeeuh ! Pffffffffff !!! Sssooottises. Viens, mère nous attend, mentit Macotte.

En chœur, Macotte et Chipek se moquèrent une dernière fois :

— Une princesse et un jardinier, quelle horrrrrrrrreurerrrrrrrr !

Tandis que les deux pestes couraient vers le palais, une fontaine de larmes jaillit des yeux de Lilas. Ni les paroles, ni la tendresse de son bien-aimé ne réussirent à les atténuer. Le roi et la reine les surprirent ainsi, elle pleurant, lui, la consolant.




Aussitôt, la colère déforma le visage du roi, ses yeux azur devinrent gris acier comme la lame tranchante d'une épée.

— C'était donc vrai ? Pour une fois, tes sœurs n'avaient pas menti, hurla-t-il. Tu es amoureuse de ce vaurien ?

Lorsqu'il se tourna vers Louis, ses yeux lancèrent des éclairs :

- Va-t'en loin d'ici, que je ne te revoie plus jamais !

Par amour, le jeune homme brava le courroux du roi :

- J'aime Lilas, laissez-moi la rendre heureuse !

- La rendre heureuse ? Où donc ? Dans une case en paille ?

La reine intervint :

- Ne laisse pas la colère t'aveugler, ce jeune homme est plus pur qu'un diamant et il a guéri mon arbre, l'aurais-tu oublié ?

- Père, je t'en prie, supplia Lilas, en se jetant à ses pieds.

Mais, sans pitié, le roi conclut :

— Cet intrigant n'est pas digne d'une princesse.



Louis palit, rougit.

Ces mots l'atteignirent comme une flèche empoisonnée. En disant adieu à sa belle, il crut mourir de douleur et en le voyant s'éloigner, la princesse s'évanouit de désespoir. Ses servantes lui firent sentir un élixir de kaloupilé, la frictionnèrent avec une crème au gingembre. Rien n'y fit. Elle sombra dans un profond sommeil. Installée sur vingt matelas, vingt édredons recouvraient ses membres gelés, or, plus les jours passaient, plus son corps refroidissait, même si l'été s'était invité et que le royaume s'était vêtu d'une robe de feu.

Les dorures du palais ne brillaient plus que d'un triste éclat.

Même le palais pleurait.

A peine la nouvelle s'était-elle répandue que ses sept marraines les fées accoururent à son chevet où ses sœurs se repentaient de leurs railleries près de la reine, accablée de chagrin.




Grâce à son pouvoir magique, la fée Midevine déclara :

- Seule la robe couleur soleil pourra la ranimer.

- Où se trouve-t-elle ? demanda le roi, rongé de remords.

- Au cœur des Trois Cirques.

A ces mots, un frisson de panique parcourut la famille royale, car ceux qui s'étaient aventurés au cœur des Trois Cirques n'étaient jamais revenus. C'était le refuge de la Bête ! Quelle apparence avait-elle ? Nul ne le savait.

Toutefois, le monarque dépêcha des messagers dans le royaume :

— Oyé, oyé, jeunes princes, le roi promet la moitié de son royaume et la main de la princesse Lilas à celui qui ramènera la robe couleur soleil pour elle.

Hélas, en apprenant où elle se trouvait, les princes perdirent d'abord la voix puis le courage.



Aussitôt averti par les fleurs, Louis se mit en route. Sept lunes durant, il marcha sur des coulées de lave refroidies, le sable noir des plages, traversa des champs de canne à sucre.

Finalement, il arriva dans une forêt de bois de couleurs.

ВееềêBêêêêBêêêê, entendit-il et un loup au ventre gonflé surgit en se pourléchant les babines. Dans le silence de la forêt, on n'entendit que le bruit de ses pas dévalant les pentes, ils le menèrent vers un calbanon. La porte entrouverte l'invitait à entrer.

Sur la table, trois bols.

Il se régala du bouillon de brèdes fumant, puis, mort de fatigue, s'endormit alors que les étoiles se réveillaient.

Peu après, une voix bourrue le tira de son sommeil :

— Quelqu'un a bu ma soupe !



Il bondit hors du lit sans jeter un regard en arrière, galopa longtemps et s'enfonça au milieu de cryptomérias. Sur la terre qui tremblait, il entendit s'approcher des pas lourds, accompagnés de grognements. GREU ! GRR ! GROARR !

Il leva les yeux, un géant répugnant, puant, salivait :

- De la chair fraîche, HUM ! De la chair humaine.

Avec la rapidité de l'éclair, Louis s'enfuit, courant aussi vite qu'il pouvait, tandis que l'ogre le poursuivait, poussant des hurlements effrayants, se déplaçant trop rapidement derrière lui.

Tout à coup, le silence.

Il se retourna : le géant n'était plus qu'une minuscule souris qui cabriolait dans l'empreinte laissée par les pas de l'ogre.

Qui avait transformé l'ogre en souris ?



Louis vit un nez crochu où les verrues se disputaient une place, une peau ridée comme un morceau de graton, des dents prêtes à croquer : une sorcière le dévorait de ses yeux luisants de méchanceté.

- Acoz ou lé maig comme ça ? *

- Qui es-tu ? demanda-t-il, malgré l'angoisse qui l'envahissait.

- AH ! АН ! AH ! elle ricana. Ki sa mi lé ? Grand-mère Kalle ! I fo ou engraiss in pé. **

Elle le traîna de force sur un papangue noir comme nuit, hurla :

— Allé ! Vole, Soukali. ***

L'oiseau obéit et survola un désert aux reflets ocres, puis se posa près d'un volcan. En un tour de clés, Louis fut enfermé dans une cage. Chaque jour, l'affreuse lui servait un rougail saucisses, un massalé cabri assaisonné de bave de crapaud, mitonnés au feu du volcan.


* Pourquoi es-tu si maigre ?

** Qui suis-je ? Grand-mère Kalle ! Je vais t'engraisser un peu.

*** Envole-toi Soukali.



Lorsque Grand-mère Kalle venait tâter son doigt, les fumerolles l'aveuglaient, alors Louis lui tendait un os de cabri à la place.

- Trop maig, grognait-elle. *

- Jusqu'au jour où elle perdit patience :

- Zordi, mi mange out foi ek un grain d'sel. **

- Dès qu'elle ouvrit la porte, Louis chanta afin que les genêts l'emprisonnent dans leurs branches, sans sa baguette maléfique, son pouvoir disparut.

Aussitôt Soukali redevint un beau paille-en-queue, il expliqua :

- Grâce à toi, je suis redevenu le génie du volcan, la sorcière m'avait emprisonné dans ce corps pour l'aider à transporter ses proies. Pour te remercier, je t'offre ces pierres volcaniques.

Il souffla sur celles-ci puis les offrit à Louis. Je sais que tu veux rejoindre le cœur des Trois Cirques, je vais t'y emmener.

Et c'est ce qu'il fit.


* Tu es trop maigre.

** Aujourd'hui, je déguste ton foie avec une pincée de sel.




Au cœur des Trois Cirques, une lourde porte en bois attendait Louis. Il la poussa. A sa grande surprise, La Bête n'était pas là.

Qui avait disposé ces roses d'une centaine de mètres, dont les épines formaient une barrière infranchissable ? Louis fredonna une mélodie et les fleurs se fanèrent à ses pieds. Dans une profonde obscurité, il avança dans un labyrinthe en laissant tomber les pierres de Soukali. Au bout d'une éternité, une lumière dorée l'attira : la robe couleur soleil l'attendait. Elle éclaira les pierres, celles-ci indiquèrent à Louis le chemin du retour, ainsi, il put revenir sur ses pas.

Soukali ramena Louis au palais, alors il posa la robe sur sa bien-aimée, un baiser sur ses yeux. Elle s'éveilla.

Jamais on n'avait vu autant de joie sur les visages du roi, de la reine et même des deux sœurs. Le roi tint parole, offrit la moitié de son royaume à Louis, mais surtout consentit au mariage de sa fille et du jardinier.

 



Tandis que l'aube luisait, tambours et trompettes sonnèrent, la famille royale accueillit tous les habitants du royaume dans les jardins du palais pour les noces de la princesse et de son héros. Une surprise attendait Louis et Lilas : les pétales de rose s'étaient détachés des rosiers pour joncher l'herbe formant un tapis féerique. Jacarandas, cytises, tulipiers du gabon, flamboyants avaient fleuri en chœur pour l'occasion.

Une effervescence de fleurs.

Une explosion de couleurs.

Vêtue de la robe couleur soleil, Lilas resplendissait de bonheur, près de Louis qui ne la quittait pas des yeux. Après la cérémonie, un banquet attendait les invités, puis au son du kayamb, du roulèr, du triangle, du bobre ; tous se déhanchèrent au rythme du séga et du maloya.

Lilas et Louis vécurent heureux et eurent beaucoup de p'tits marmailles ...



- Fin de l'histoire - 


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